La violence familiale et la réticence à en parler
Ages 16-18

CyberMystère 1

La violence familiale et la réticence à en parler

Auteure : Donna Alexander

Directrice et directeur de la rédaction : Ruth Sandwell, Dick Holland

Directeur de la série : Roland Case

https://www.mysterescanadiens.ca

Un défi à relever par la pensée critique pour les élèves de 16 à 18 ans

MISE EN GARDE : La violence envers les enfants est un sujet très délicat et troublant et le cas d’Aurore Gagnon est un des pires qui soient répertoriés. Si vous éprouvez le besoin de vous confier, sachez que vos enseignants, vos conseillers pédagogiques et vos parents sont là pour vous écouter.

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Selon un vieil adage, « Il faut tout un village pour élever un enfant ». Les enfants grandissent habituellement au sein d’une famille et d’une communauté qui les aiment, les protègent et font de grands sacrifices dans le but de leur offrir la meilleure vie possible. Mais qu’arrive-t-il lorsque les choses tournent mal et qu’au lieu d’être aimé et protégé par sa famille, l’enfant est victime de violence? Est-ce la responsabilité de l’entourage de la famille de s’apercevoir que des actes de violence sont commis et de faire en sorte qu’ils cessent? Que faut-il pour qu’une personne brise le silence?

Aurore Gagnon est une fillette de 10 ans qui, le 12 février 1920, succombe aux mauvais traitements qui lui ont été infligés. Son histoire secoue la communauté et « Aurore, l’enfant martyre » devient un personnage marquant de la culture populaire québécoise. Elle réside dans la petite communauté de Sainte-Philomène de Fortierville. Ce que nous savons sur sa vie est surtout basé sur les révélations de ceux qui sont témoins des mauvais traitements dont elle est victime, sans toutefois tenter de la sauver. Comment cette petite communauté a-t-elle pu devenir si dangereuse pour la jeune fille? Pourquoi personne n’est-il intervenu?

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Dans le cadre de ce CyberMystère, vous mènerez une enquête afin de découvrir quel type de personne aurait pu sauver Aurore alors que tant d’autres ne l’ont pas fait. La première étape est de comprendre les faits entourant l’affaire. Vous commencerez par lire les textes qui décrivent le meurtre et témoignent du choc qu’a ressenti la population québécoise lorsqu’elle a appris les détails de l’affaire au cours des procès du père et de la belle-mère d’Aurore. Ensuite, vous prendrez connaissance des raisons que l’on donne de nos jours pour expliquer pourquoi les cas de violence familiale ne sont pas toujours signalés. Vous vous servirez de ces divers éléments d’information pour analyser le comportement de cinq des témoins cités aux procès des parents d’Aurore, et pour répondre à la question : « Pourquoi n’ont-ils pas aidé Aurore? » Votre dernière tâche sera d’imaginer un personnage qui aurait réussi à surmonter les facteurs qui empêchent les gens de dénoncer les cas de violence. Vous vous glisserez dans la peau de ce personnage et imaginerez les pensées qui l’ont mené à « poser le bon geste » pour sauver Aurore en signalant les sévices dont elle était victime. Vous présenterez ces pensées sous la forme d’un « monologue intérieur » rédigé à la première personne.

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ÉTAPE 1 : Connaître les détails de l’affaire

Aurore Gagnon meurt le 12 février 1920 dans des circonstances suspectes. Elle voit le jour le 31 mai 1909 à Sainte-Philomène de Fortierville, dans le comté de Lotbinière, province de Québec. Sa mère décède alors qu’Aurore est âgée de huit ans. Son père, Télesphore Gagnon, qui est fermier et bûcheron originaire de Fortierville, se remarie immédiatement à Marie-Anne Houde, une veuve, mère de quatre enfants issus de son union précédente. Aurore meurt deux ans plus tard, à l’âge de dix ans. L’enquête du coroner dévoile qu’elle est morte d’un empoisonnement du sang et d’un épuisement général dus au grand nombre de blessures non soignées dont son corps était couvert.

Le décès d’Aurore sème la confusion au sein de la communauté. On pointe rapidement du doigt sa belle-mère, qui n’avait jamais tenté de cacher la violence qu’elle et son mari infligeaient à l’enfant. Ils sont tous deux immédiatement traduits en justice. Sa belle-mère est reconnue coupable de meurtre au premier degré après qu’ait été rejeté son plaidoyer d’aliénation mentale. Elle est condamnée à être pendue, mais la peine est réduite à l’emprisonnement à vie étant donné qu’elle doit accoucher de jumeaux. Elle meurt en prison quelques années plus tard. Bien que Télesphore Gagnon ait incontestablement participé aux violences infligées à sa fille, il est reconnu coupable d’homicide involontaire, un crime moins grave que celui de sa femme. Il purge une courte peine d’emprisonnement, puis il retourne vivre à Fortierville jusqu’à la fin de ses jours.

Avant d’aller plus loin dans ce CyberMystère, apprenez les détails liés à l’affaire :

Éléments de preuve
Lisez les deux articles de La Presse qui ont été publiés en avril 1920, juste avant que soit prononcée la sentence de Marie-Anne Houde.

Les protagonistes

Chronologie des événements

ÉTAPE 2 : Déterminer pourquoi personne n’est intervenu

Malgré le fait que plusieurs membres de la communauté semblaient être au fait des mauvais traitements que subissait Aurore, personne n’a agi pour les faire cesser. Mais la dure réalité, c’est que le silence des habitants de Sainte-Philomène n’est pas exceptionnel. Les cas de violence envers les enfants restent souvent cachés. Votre prochaine tâche est d’en apprendre davantage sur les facteurs typiques qui font généralement en sorte que les gens hésitent à dénoncer la violence. Puis, vous consulterez plus particulièrement les faits entourant l’affaire d’Aurore pour déterminer lesquels de ces obstacles ont contribué à l’inaction des membres de la communauté.

Lisez les notes préparatoires La réticence à dénoncer les cas de violence envers les enfants pour découvrir pourquoi les victimes, et même les gens qui soupçonnent un cas de violence familiale, ne dénoncent pas cette situation. Concentrez-vous sur les 11 facteurs qui semblent expliquer pourquoi les adultes hésitent à intervenir :

  • Éviter toute implication
  • Admettre le châtiment corporel
  • Minimiser l’importance
  • Envenimer la situation
  • Douter de l’efficacité de la dénonciation
  • Préserver sa propre sécurité
  • Rester à l’écart
  • Douter de soi
  • Ignorer sa responsabilité
  • Ignorer la marche à suivre
  • Douter des autorités

Lisez les cinq témoignages, que vous trouverez dans la section Éléments de preuve, et répertoriez ceux qui peuvent vous aider à comprendre pourquoi ces témoins ne sont pas intervenus pour aider Aurore. Complétez le tableau Interpréter la réticence de certains individus à intervenir pour accomplir cette tâche :

  • dans la première colonne, inscrivez le titre et les détails du document que vous analysez;
  • dans la deuxième colonne, inscrivez l’information contenue dans chaque document qui suggère une raison de l’inaction des gens;
  • et dans la troisième colonne, déterminez lequel des 11 facteurs semble être l’obstacle en question et expliquez pourquoi vous croyez qu’il s’agit du principal facteur incitant au silence.

Les exemples de réponse fournis à la première ligne vous montrent comment remplir le tableau. Reportez-vous à l’information tirée de l’article de La Presse du 20 avril 1920 que vous avez lu plus tôt.

ÉTAPE 3 : Imaginez une intervention

Bien que nul membre de la communauté ne l’ait fait, imaginez qu’Aurore ait été sauvée par quelqu’un qui aurait dénoncé la violence qu’on lui faisait subir. Imaginez que, plutôt que d'avoir été arrêté par les facteurs qui empêchent les gens d’intervenir dans un cas de violence envers un enfant, une personne ait été incitée à poser le bon geste dans le but d’aider Aurore.

Choisissez un des personnages fictifs de la liste ci-dessous ou alors créez-en un. Votre tâche est de décrire la réflexion de cette personne alors qu’elle surmonte au moins trois facteurs qui ont empêché les autres d’agir dans l’intérêt d’Aurore. Vous devrez rédiger un monologue intérieur comme si vous étiez ce personnage qui résout le dilemme et décide de faire cesser la violence. Voici quelques personnages fictifs dont vous pouvez vous inspirer :

  • Membre d’une société protectrice — Historiquement, les mouvements pour la protection des animaux et des enfants ont été créés à la même époque et par les mêmes personnes. Imaginez qu’un membre œuvrant pour une société protectrice enquête sur la situation d’Aurore et décide de ne pas fermer les yeux sur ce qui se passe.
  • Infirmière à domicile — Dans les campagnes canadiennes, le système d’infirmières à domicile était parfois le seul moyen de recevoir des soins. Imaginez qu’une de ces infirmières, lors d’une visite de routine, remarque ce qui se passe et décide de le signaler.
  • Voisin — Dans le cas d’Aurore, un des voisins savait ce qui se passait mais n’a rien dit. Inventez un voisin qui révèle tout.
  • Prêtre — Imaginez que vous êtes un prêtre qui a vent des traitements infligés à Aurore par ses parents. Comment intervenez-vous?

ÉTAPE 4 : Préparez un monologue intérieur

Un monologue intérieur est la représentation écrite des pensées d’un personnage comme s’il les disait tout haut. Une fois que vous avez choisi votre personnage, inscrivez ce que le personnage fait ou ne fait pas et le raisonnement qui motive sa décision, en vous servant du genre de preuves que vous avez réunies dans le tableau. Imaginez ce personnage revivre sa relation avec Aurore. À quoi pense-t-il? Que dit-il à Aurore? Expliquez comment votre personnage réussit à surmonter au moins trois des facteurs qui ont empêché tous les autres d’agir. Préparez un monologue de 500 mots dans lequel vous expliquerez la façon dont votre personnage agit, ses motivations, son combat intérieur, ainsi que ses émotions. Votre personnage doit s’exprimer comme s’il se parlait à lui-même.

Les liens suivants fournissent des explications et des exemples concernant les monologues intérieurs :

https://www.site-magister.com/travec5.htm

https://www.lettres.net/files/monologue_interieur.html

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La rubrique d’évaluation Évaluer les conclusions tirées des preuves peut être utilisée pour évaluer dans quelle mesure vous avez respecté les critères suivants :

  • identifier les preuves qui sont pertinentes par rapport aux motivations du personnage;
  • et tirer des conclusions plausibles à propos des facteurs sous-jacents.

La rubrique d’évaluation Évaluer le monologue intérieur peut être utilisée pour évaluer dans quelle mesure vous avez respecté les critères suivants :

  • décrire les motivations du personnage et les obstacles qu’il surmonte pour parvenir à dénoncer la violence;
  • exprimer l’opinion et les émotions du personnage;
  • et rédiger le monologue dans un style soigné.

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Les principales raisons de la négligence
En vous basant sur votre analyse des raisons pour lesquelles les membres de la communauté n’interviennent pas pour protéger Aurore, déterminez les trois facteurs les plus importants qui expliquent leur négligence. Si vous deviez empêcher une telle situation de se reproduire, quelles politiques recommanderiez-vous d’adopter pour contrer ces trois facteurs?

Manque d’objectivité des médias
Étudiez la sélection suivante d’articles de journaux couvrant les deux procès afin de déterminer si les médias ont fait preuve d’impartialité envers la « marâtre » :

Couverture du procès de Marie-Anne Houde

Couverture du procès de Télesphore Gagnon

Victime, elle aussi?
Pendant les mois suivants son procès, la peine de mort par pendaison prononcée contre Marie-Anne Houde suscite la sympathie de la population, qui veut voir la peine commuée. Examinez les documents suivants pour expliquer le mouvement contre la pendaison de cette femme accusée d’infanticide :

Couverture de la campagne pour la commutation de la peine de mort de Marie-Anne Houde

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Notes préparatoires : La réticence à dénoncer les cas de violence envers les enfants

Feuille d’activités : Interpréter la réticence de certains témoins à intervenir

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Contexte de l’affaire – Articles de journaux

« L’affaire Gagnon aux assises de Québec : Une voisine a déclaré que l’accusée lui aurait dit : "Je voudrais bien que la petite Aurore vint à mourir sans que personne en eût connaissance" » La Presse, 15 avril 1920

« Pourquoi les autorités n’ont-elles apporté leur intervention qu’après la mort de la fillette? », La Presse, 17 avril 1920

Dépositions des témoins

Déposition faite sous serment d’Oréus Mailhot, juge de paix, 17 février 1920

Déposition d’Odilon Auger au procès de Télesphore Gagnon pour le meurtre d’Aurore Gagnon, sans date

Déposition d’Émilien Hamel (neveu de Télesphore Gagnon) au procès de Télesphore Gagnon pour le meurtre d’Aurore Gagnon, 24 avril 1920

Témoignage de Marie-Jeanne Gagnon (sœur d’Aurore) lors de l’enquête du coroner sur la mort d’Aurore Gagnon, 13 février 1920

Déposition de Marie-Jeanne Gagnon (sœur d’Aurore) au procès de Marie-Anne Houde pour le meurtre d’Aurore Gagnon, 15 avril 1920